Philippe
Artières se définit comme un historien de l'en deçà, des écrits
ordinaires, jusqu'aux bas-fonds. Nous l'avions découvert avec Le
Livre des vies coupables paru
chez Albin Michel en 2000. Autobiographies d'assassins écrites par
des condamnés à la fin du XIXème siècle à la demande du
professeur de médecine légale Lacassagne à des fins
d'expérimentations en criminologie. Déjà, chez l'historien, cette
volonté d'être seulement un passeur, de poser le moins d'écrans
entre leurs écrits et le lecteur : petit avant-propos,
présentation courte, peu de notes.
On
retrouve cette même ambition dans Au fond.
Composé comme un collage, un accrochage, dit
l'auteur, de textes et de documents divers où l'historien intervient
peu : archives personnelles, photographies, articles de journaux,
correspondances privées et officielles, enquêtes administratives,
plaque commémorative , etc. Matières éparses des années 1960
où le lecteur identifie trois récits : l'un intime celui de la
mort du frère de l'auteur à l'âge de 3 ans à travers les
témoignages de la mère, un autre de la grève des houillères de
Lorraine en 1963 qui annonce la fin de l'exploitation des mines alors
même que les mineurs gagnent, le troisième celui de la forêt gérée
par l'un de ces ancêtres, un juriste du nom de Gény, de sa
transformation de feuillus en conifères, de son exploitation pour
fournir le bois afin d'étayer les galeries.
De ces
Gény, Philippe Artières a tiré un autre sujet d'enquête, son
arrière-grand-oncle, théologien assassiné à Rome en 1925. Il en a
fait un livre de la même facture Vie et mort de Paul Gény,
et une sorte de performance dont
rend compte Reconstitution,
où on le voie en soutane, photographié dans les rues de Rome,
revivre la passion et
l'assassinat de l'ecclésiastique. Une manière peu conventionnelle
de faire l'histoire,
une histoire tremblée, ouverte ;
manière qu'il poursuit ici avec l'ambition de faire de chaque
lecteur un historien.
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